La vision habituelle que l'on a de Salomé correspond à une sorte de Lolita capricieuse, obscène et nécrophile.
Mais, à y regarder de plus près, les choses sont finalement plus complexes, comme toujours avec Richard Strauss.
Et, en sortant de Bastille, où l'opéra était donné le 1er Décembre, je pense avoir bien saisi que le personnage le plus antipathique, voire le plus répugnant, n'est sans doute pas Salomé mais plutôt Jochanaan, pour qui ce vieux païen de Strauss n'a visiblement aucune tendresse.
Jochanaan, c'est le prophète Jean Baptiste, celui qui a baptisé Jésus dans les eaux du Jourdain.
Du fonds de la citerne où le roi Hérode l'a fait enfermer, il passe son temps, dans un délire imprécateur, à fulminer des anathèmes et à fustiger les moeurs relâchées de la Cour.
Sale, barbu, injurieux et fanatique, il envoie les femmes qui le regardent se faire "voiler et recouvrir leur tête de cendres".
Au cours d'un long séjour en Syrie, j'ai appris que les vicissitudes de l'histoire ont fait que sa tête est aujourd'hui enchâssée dans un mausolée, au centre de la mosquée des Omeyaddes, à Damas.
Vénéré par les musulmans comme prophète, Jean-Baptiste (du moins ce qu'il en reste) subit l'assaut quotidien de cohortes de pélerins venus d'Iran, barbus enturbanés suivis de loin par des nuées fantasques de créatures spectrales, toutes de noir voilées, qui, au toucher du reliquaire, telles Salomé posant ses lèvres sur la bouche ensanglantée de la tête coupée du prophète, crient, se prosternent, pleurent, se frappent la poitrine et semblent sombrer dans une extase mystico lubrique du meilleur effet.
Drôle de paradoxe, parce que Salomé, 2000 ans avant le MLF, est en réalité elle-même une sorte de prophète de la libération sexuelle des femmes ; jeune et belle, elle veut vivre librement et pleinement une sexualité sans limites ni tabous, qui la pousse jusqu'à l'orgasme nécrophile final (au passage, ça a dû en choquer plus d'un en 1905).
Au regard du délire et de la folie de cet opéra, dont le livret, directement écrit par Strauss, est étroitement inspiré de la pièce d'Oscar Wilde, le spectacle donné à Bastille m'a paru un peu sage et en retrait.
La prestation de Camilla Nylund reste dans une mesure scénique et vocale assez timorée, qui laisse un peu sur sa faim.
Son ton est juste, sa diction claire, sa voix est belle mais manque de puissance et de démesure pour s'imposer face à l'orchestre straussien.
Le chef Altinoglu fait pourtant ce qu'il peut pour le contenir, mais les instruments couvrent souvent les voix (ce qui arrive d'ailleurs trop à Bastille).
Thomas Moser campe un Hérode mou et patibulaire ; son manque de puissance vocale et sa diction pâteuse ôtent beaucoup de relief au personnage.
Le Jochanaan de Le Texier est correct, sans plus.
Les autres chanteurs s'en tirent très bien, notamment l'excellente Julia Juon dans le rôle d'Herodias, épouse délaissée d'Hérode et mère de Salomé, et le jeune Xavier Mas, qui incarne un très convaincant Narraboth...
Narraboth, le capitaine des gardes, qui bien que tendrement aimé par son jeune page syrien aux longs cils et aux yeux de braise, se consume d'amour pour la vénéneuse princesse et finit par se donner la mort.
Pauvre Narraboth, encore un qui a fait le mauvais choix.Le tout fonctionne pourtant plutôt bien.
La mise en scène de Lev Dodin, calée fidèlement sur les indications du compositeur, est sobre et efficace ; les décors jaunes comme le feu du soleil et noirs comme la mort m'ont bien plu.
Mais plus de folie eût été nécesaire pour rendre justice à cette oeuvre survoltée.
JEF pour CitéGAY ( http://jefopera.blogspot.com/ )
Mais, à y regarder de plus près, les choses sont finalement plus complexes, comme toujours avec Richard Strauss.
Et, en sortant de Bastille, où l'opéra était donné le 1er Décembre, je pense avoir bien saisi que le personnage le plus antipathique, voire le plus répugnant, n'est sans doute pas Salomé mais plutôt Jochanaan, pour qui ce vieux païen de Strauss n'a visiblement aucune tendresse.
Jochanaan, c'est le prophète Jean Baptiste, celui qui a baptisé Jésus dans les eaux du Jourdain.
Du fonds de la citerne où le roi Hérode l'a fait enfermer, il passe son temps, dans un délire imprécateur, à fulminer des anathèmes et à fustiger les moeurs relâchées de la Cour.
Sale, barbu, injurieux et fanatique, il envoie les femmes qui le regardent se faire "voiler et recouvrir leur tête de cendres".
Au cours d'un long séjour en Syrie, j'ai appris que les vicissitudes de l'histoire ont fait que sa tête est aujourd'hui enchâssée dans un mausolée, au centre de la mosquée des Omeyaddes, à Damas.
Vénéré par les musulmans comme prophète, Jean-Baptiste (du moins ce qu'il en reste) subit l'assaut quotidien de cohortes de pélerins venus d'Iran, barbus enturbanés suivis de loin par des nuées fantasques de créatures spectrales, toutes de noir voilées, qui, au toucher du reliquaire, telles Salomé posant ses lèvres sur la bouche ensanglantée de la tête coupée du prophète, crient, se prosternent, pleurent, se frappent la poitrine et semblent sombrer dans une extase mystico lubrique du meilleur effet.
Drôle de paradoxe, parce que Salomé, 2000 ans avant le MLF, est en réalité elle-même une sorte de prophète de la libération sexuelle des femmes ; jeune et belle, elle veut vivre librement et pleinement une sexualité sans limites ni tabous, qui la pousse jusqu'à l'orgasme nécrophile final (au passage, ça a dû en choquer plus d'un en 1905).
Au regard du délire et de la folie de cet opéra, dont le livret, directement écrit par Strauss, est étroitement inspiré de la pièce d'Oscar Wilde, le spectacle donné à Bastille m'a paru un peu sage et en retrait.
La prestation de Camilla Nylund reste dans une mesure scénique et vocale assez timorée, qui laisse un peu sur sa faim.
Son ton est juste, sa diction claire, sa voix est belle mais manque de puissance et de démesure pour s'imposer face à l'orchestre straussien.
Le chef Altinoglu fait pourtant ce qu'il peut pour le contenir, mais les instruments couvrent souvent les voix (ce qui arrive d'ailleurs trop à Bastille).
Thomas Moser campe un Hérode mou et patibulaire ; son manque de puissance vocale et sa diction pâteuse ôtent beaucoup de relief au personnage.
Le Jochanaan de Le Texier est correct, sans plus.
Les autres chanteurs s'en tirent très bien, notamment l'excellente Julia Juon dans le rôle d'Herodias, épouse délaissée d'Hérode et mère de Salomé, et le jeune Xavier Mas, qui incarne un très convaincant Narraboth...
Narraboth, le capitaine des gardes, qui bien que tendrement aimé par son jeune page syrien aux longs cils et aux yeux de braise, se consume d'amour pour la vénéneuse princesse et finit par se donner la mort.
Pauvre Narraboth, encore un qui a fait le mauvais choix.Le tout fonctionne pourtant plutôt bien.
La mise en scène de Lev Dodin, calée fidèlement sur les indications du compositeur, est sobre et efficace ; les décors jaunes comme le feu du soleil et noirs comme la mort m'ont bien plu.
Mais plus de folie eût été nécesaire pour rendre justice à cette oeuvre survoltée.
JEF pour CitéGAY ( http://jefopera.blogspot.com/ )
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