Achille Lauro : le renouveau de la musique italienne ?

Inutile de le cacher, beaucoup d'entre vous n'ont aucun problème à réduire le répertoire de la musique italienne à une dizaine de ritournelles insouciantes et kitsch, telles que "Ti amo" de Umberto Tozzi, "L'italiano" de Toto Cutugno ou "Perche ti amo" des Ricchi e Poveri. 

Quelle regrettable erreur mais bonne nouvelle : elle est encore réparable!

Depuis une vingtaine d'années, probablement emmené par les expérimentations multiples du prolifique Jovanotti ou encore des membres de Subsonica, le pays en forme de botte a fini par se transformer en un véritable vivier de nouveaux talents résolument tournés vers le futur.

Les ondes latines ont ainsi fait naître une variété insoupçonnée de sonorités rock, pop, et aussi malheureusement rap et r&b, directement inspirées des gros hits britanniques et américains.

Parmi les derniers artistes les plus intéressants à suivre, il est impossible de faire l'impasse sur l'incroyable "créature" Achille Lauro.

Trentenaire maquillé et tatoué jusque sur le visage, ce romain qui a déjà une dizaine d'années de carrière derrière lui, vient littéralement d'exploser sur la scène du prestigieux festival de San Remo, grâce à des prestations provocantes, aux visuels étudiés, qui lui ont valu des millions de vues sur Youtube, et un statut de nouvelle icône glam italienne.

Initialement identifié comme rappeur, l'artiste avait déjà surpris lors d'un premier passage à la 69ème édition du festival en 2019, en proposant Rolls-Royce, un titre résolument rock et dansant, durant lequel il manie le name dropping avec maestria, énumérant les noms de ses idoles, d'Elvis Presley à Marilyn Monroe, en passant par Axl Roses. A ce moment la chanson avait été perçue comme un hymne à la vie de rock star. Elle n'avait pas remporté la majorité des votes mais s'était immédiatement distinguée dans le classement de Spotify. Par la suite le chanteur avait sorti le poignant C'est la vie, peu avant la sortie de 1969, son déjà cinquième album, confirmant la nouvelle couleur rock de sa musique.

C'est surtout en décembre 2019, lors d'une seconde participation au festival de San Remo pour la sortie du single Me ne Frego, que le chanteur a véritablement établi son statut de phénomène.

Durant chacune de ses prestations le musicien a proposé un véritable tableau scénographique, comme s'il s'agissait de l'extrait d'un show aux proportions démesurées. Tantôt en strass, cape noire et juste-au-corps doré pailleté signé Gucci, tantôt en robe semi-transparente et coiffe de plumes noires, tantôt grimé en reine Elisabeth d'Angleterre ou en David Bowie période Ziggy Stardust, l'artiste a su créer la surprise, embrassant passionnément au passage son guitariste aux cheveux bleus. Avec les réseaux sociaux l'étonnement et naturellement la polémique ont été instantanés dans un pays où les attitudes queer ne sont pas toujours forcément bonnes à montrer.

Après un nouveau scandale lié à un sens supposé caché de sa chanson Rolls-Royce, qui vanterait finalement les vertus d'un cachet d'ectasy du même nom, Achille Lauro a de nouveau changé de style musical, en sortant l'album 1990, aux sonorités EDM et utilisant systématiquement des samples des années 90. Se faisant désormais appeler Achille Idol, le jeune homme poursuit son bonhomme de chemin avec la réédition de son album 1969 (Achille Idol Rebirth), enrichie de 2 inédits, dont une nouvelle version de C'est La Vie en duo avec Fiorella Mannoia, chanteuse à la voix androgyne.

L'album 1969 Achille Idol Rebirth est une véritable pépite dont l'écoute devient très vite addictive, contrairement à l'exercice de style 1990, toutefois de bonne facture. Si le chanteur a déclaré plusieurs fois qu'il voulait que chacun de ses albums revête un style différent on ne peut que souhaiter que celui-ci s'attarde au rock qui lui va à ravir. Chaque titre, de Maleducata à Me ne Frego est un pur moment de délectation. Les riffs de guitare, qui répondent à la batterie endiablée, évoquent un dialogue entre l'ambiance parfois tribale de Marylin Manson et les gimmicks de Halo Spaceboy de Bowie. Ce n'est pas non plus un hasard si Achille choisit désormais le nom d'Idol, en référence à Billy Idol. 

Et moi je ne peux qu'applaudir son attitude blasée sur scène, ses soupirs amusés, sa façon de jouer avec les genres, soit en parlant de lui au féminin dans Maleducata, soit en apparaissant en train de faire du Pôle Dance en talons de drag queen et micro-short dans la vidéo qui accompagne ce titre.

Si la plupart des fans reconnaissent en lui le David Bowie italien ou en tout cas une relève certaine et innovante de la musique italienne, une chose est sûre : il va falloir désormais compter avec Achille Lauro, qui a bien compris que le Rock est avant tout une attitude.   

 

Plus d'infos sur le site officiel d'Achille Lauro